Les légendes de Maupiti
Par Christiane
Nous partons aujourd'hui à la rencontre de Maupiti avec un guide-conteur. La langue polynésienne était uniquement orale et ce sont les missionnaires qui ont apporté l'écrit en Polynésie. La tradition orale y est encore très présente. C'est Albert notre guide, dont le grand-père était détenteur de la culture orale sur l'île. Son second prénom est Temana, ce qui veut dire le mana, le pouvoir. Albert nous explique qu'il a donc été désigné par son prénom pour transmettre cette culture orale.
Nous enfourchons nos vélos pour une ballade d'une petite dizaine de kilomètres (tour de l'île).
Un premier arrêt est fait au sommet d'une petite colline.
Maupiti veut dire deux (piti) montagnes (mau).
En fait, il y a deux gros pitons rocheux, l'un au Nord, l'autre au Sud. On les appelle les jumeaux.
Ici, tout à droite, on voit l'un des deux jumeaux. Celui-ci est un garçon.
La mère est le piton rocheux qui surplombe l'île, en son centre. On le voit à gauche de la photo, c'est le plus haut sommet de l'île (380 m).
Dans des temps très reculés, Maupiti n'avait pas de passe et l'océan ne renouvelait pas l'eau du lagon. La mère envoya donc ses enfants, une fille et un garçon, jumeaux, creuser une passe. La fille se dirigea vers le nord et creusa le récif. Mais elle n'avait pas assez de force et creusa donc une passe peu profonde (non navigable) que l'on appelle "la fausse passe". Elle se retourna ensuite vers sa mère pour lui demander pourquoi elle l'avait éloignée d'elle.
Son frère se dirigea vers le sud et reçut l'aide d'un cochon sauvage pour accomplir sa tâche. Avec l'aide de l'animal, il creusa une passe profonde. Le cochon y laissa la trace de son groin. Depuis, le fils regarde vers la passe.
La passe se situe entre le motu que l'on aperçoit au fond et le frère jumeau situé à gauche de la photo.
Le ciel est couvert... je n'imagine pas ce que seraient les couleurs du lagon s'il faisait grand beau temps !
Nous nous rendons ensuite au marae qui se trouve juste en bas.
Albert/Temana nous explique que Maupiti était un haut lieu religieux du triangle polynésien dont les sommets sont Hawaï, l'ïle de Pâques et la Nouvelle-Zélande.
L'investiture de neuf rois (dont celui de l'île de Pâques et celui de Hawaï) se serait déroulée à cet endroit.
Puis nous nous dirigeons vers le bord du lagon, pour aller voir le coffre à poissons.
Avant toute pêche, on ôte la dalle de corail. On place les trois statuettes en forme de poisson tête vers le lagon. La pêche sera bonne car cela fait venir les poissons. En revanche, il est très important de tourner les statuettes vers la montagne dès que la pêche est finie.
Les rois étaient portés par leurs sujets parce que l'endroit où leurs pieds se posaient devenait leur propriété. Cependant l'un des rois posa son pied ... Albert nous le montre...
Ca, c'est l'empreinte du pied droit. On voit aussi la trace du gros orteil. Le pied gauche se trouve trois mètres devant.
Vu la taille des empreintes, c'était vraiment un grand roi ! Elles font le double d'un pied d'homme...
Forcément, vu que le roi a posé ses pieds, il y un trône tout près. Pierre le trouve tout à fait à son goût !
Samuel, lui, s'y vautre carrément !
Notre guide nous présente ensuite l'emblème de l'île : le penu (prononcer pénou).
C'est un pilon dont la particularité est de posséder trois sommets qui symbolisent les jumeaux et la mère.
Albert nous explique que ce pilon se tient avec deux doigts posés entre les trois sommets.
Nous enfourchons à nouveau nos vélos, direction le rocher aux oiseaux.
Le principe est simple : il faut frapper le rocher situé sur le bord de la route avec la base d'une palme de cocotier.
Cela produit un claquement qui résonne dans tout le piton rocheux situé de l'autre côté de la route.
Les habitants de Maupiti disent que c'est ainsi qu'ils appellent les oiseaux.
En effet, comme les oiseaux y passent la nuit (la falaise est pleine d'anfractuosités), lorsque l'on frappe le rocher aux oiseaux au petit matin, des milliers d'oiseaux s'envolent.
Ce piton rocheux, c'est le frère jumeau qui regarde la passe, juste en face...
Malgré le temps couvert, on distingue Bora-Bora à l'horizon.
Maupiti est reliée à Bora-Bora trois fois par semaine grâce au Maupiti express. Justement, le voilà qui arrive...
Il transporte quelques passagers et des marchandises.
Là, en l'occurence, il remporte une quantité impressionnante de bouteilles de bière...vides... surtout qu'il n'y a que 1248 habitants...
Puis nous allons voir des pétroglyphes situés le long d'un petit cours d'eau qui descend de la montagne.
Sur les photos ci-dessous, Albert nous montre des représentations de tortues. Parmi les symboles gravés, on retrouve systématiquement neuf traits qui symbolisent les neuf rois intronisés sur l'île.
Un petit coup de frais sur les pieds, avant de reprendre les pédales...
Sur la route, nous nous arrêtons devant un mur construit avec les matériaux locaux, bruts.
Cliquez sur les photos pour les agrandir, cela vaut le coup d'oeil...
Nous voici au pied de la soeur jumelle qui regarde en direction de sa mère, vers la gauche.
Les jumeaux sont les enfants de Hiro, guerrier géant et héros de la mythologie polynésienne.
La tradition veut que l'on enterre le placenta d'un nouveau-né dans la propriété familiale. C'est une pratique qui a encore lieu de nos jours.
La tradition aurait donc voulu que le placenta des jumeaux soit enterré à Raiatea, île où vivait leur père, Hiro.
Là, l'histoire est assez confuse car il y a une méchante femme dont il ne faut pas parler (sinon, en l'évoquant, on peut faire venir le malheur) qui a joué un rôle dont on ne peut pas non plus parler.
Quoi qu'il en soit, les cordons ombilicaux (et probablement placentas) des jumeaux devaient être emportés à Raiatea lors de la nuit de leur naissance. Mais un coq-sorcière s'est mis à chanter en pleine nuit. Et les coqs chantent pour annoncer l'arrivée de l'aube. La période de transition entre la nuit et l'aube est un entre-deux qui fige le temps et sidère les gens... Les personnes qui devaient enterrer les cordons furent donc induites en erreur par le chant du coq-sorcière et n'eurent pas d'autre choix que de les enterrer là où ils se trouvaient avant que le jour ne se lève... C'est pour ça que désormais les coqs chantent à toute heure de la nuit.
Te pito signifie le nombril.
Nous bouclons la boucle et nous retrouvons sur la plage de notre fare. Nous commandons des casse-croûtes (nom local du sandwich baguette) au petit snack qui s'y trouve.
Je ne vous avais pas menti quand je vous avais parlé, dans un précédent message, de la taille des casse-croûtes !!!
Ensuite, difficile de garder les yeux ouverts...
Albert nous réveille avec des fleurs de tiare qui peuvent comporter de 5 à 22 pétales pour les fleurs doubles.
La visite est presque finie, il nous reste juste à aller faire un petit tour sur la plage dans le prolongement de notre bungalow.
Nous y trouvons la pierre triangulaire qui permet aux âmes des défunts habitants de l'île de s'échapper par le sommet.
Attention, le passage ci-dessous est déconseillé aux âmes sensibles et interdit aux moins de 18 ans.
C'est aussi sur cette plage que Hina, jeune fille très belle, avait éveillé les ardeurs de Hiro en soulevant son pareu (son paréo). Elle s'enfuit à son approche pour se cacher derrière des bigorneaux géants. Hiro, fou de désir, se soulagea dans la roche ! On voit l'empreinte de son genou lorsqu'il s'agenouilla sur le rocher ainsi que celle de son pénis !
Je rappelle, vu la taille des empreintes, que Hiro était un géant.
A gauche, c'est le genou. La cavité doit faire une cinquantaine de centimètres de haut.
A droite, c'est peut-être la raison pour laquelle Hina prit peur...
Un peu plus loin, on découvre les bigorneaux en question.
Samuel a grimpé sur le premier bigorneau pour y inscrire son nom avec une pierre, comme le veut l'usage.
On voit le second bigorneau en arrière-plan.
En tahitien, on dit Petero, Ieremia et Tamuera (pour Samuel).
La visite est terminée pour aujourd'hui.
Dernier message à venir sur nos vacances à Maupiti...